''Il vaut mieux se perdre dans la passion que de perdre sa passion''




lundi 9 septembre 2013

La Parachute Adams


#14 Parachute Adams
C'est avec une certaine anxiété que je me suis levé dimanche matin pour aller regarder à la fenêtre. En tirant le rideau, la pluie et les nuages bas ne laissaient plus aucun doute. Cette journée ne pourrait être qu'humide et la rivière claire et limpide de mes rêves idylliques ne serait aujourd'hui qu'un horrible torrent de bout. Il faut dire qu'en regardant la météo, je me faisais encore quelques illusions: ''Ciel le plus souvent très nuageux avec de fréquentes averses parfois orageuses. Précipitations localement intenses, notamment le long des Préalpes''.
 
On distingue les premières couleurs de l'automne
Peut-être qu'en appliquant une certaine logique, il pourrait y avoir quelques éclaircies puisque le plus souvent nuageux avec de fréquentes averses laisse sous entendre que quelques rares éclaircies pourraient déchirer cette épaisse toison nuageuse... Eh bien, il n'en fallut pas plus pour trouver la motivation suffisante pour me mettre en route car, en réfléchissant bien, il y a dans notre cher canton de Fribourg plusieurs possibilités en cas de fortes pluies pour un pêcheur à la mouche aguerri comme moi. Tout d'abord, il y a la Petite-Sarine ou la Sarine à Lessoc ou encore l'Hongrin qui ne risquent pas d'être en crue car étant sous l'influence de barrages dédiés à la fée électricité. Mais il y a mieux. Il y a une rivière nichée dans une petite vallée et ses eaux ne se colorent que difficilement en cas de fortes pluies. Seul un orage ou une pluie diluvienne durant plusieurs jours arrivent à la transformer en un torrent impétueux. Ce cours d'eau niché au cœur des Préalpes, prend naissance au pieds des Gastlosen là où la nature quasi intacte distille des eaux d'une grande pureté.

 
Un beau pool rapide
Arrivé sur place, il me tarde d'aller voir l'apparence de la rivière et c'est avec un plaisir immodéré que je découvre à nouveau ce joyau dans un écrin aux couleurs qui trahissent les premières faiblesses d'un été qui nous a tout simplement gâté. Il ne pleut pas et j'ai même droit à quelques rayons de soleil. Je retourne à la voiture et me prépare. Je passe mes waders et ma veste de pluie. Je monte ma Sage TXL de 7 pieds pour soie de 3. Je passe la soie dans ses anneaux et attache un bout de fil de 14/100 boucle dans boucle sur ma queue de rat. Nous sommes en arrière saison et mon petit doigt me dit qu'il y aura une éclosion de Baetis rhodani. J'ouvre ma boite et prends une Parachute Adams montée sur hameçon de 14. Cette mouche devrait bien fonctionner aujourd'hui. Le nom de cette imitation au nom anglais me fait toujours rire. Il faut dire qu'elle est probablement la plus populaire de toutes outre-Atlantique mais qu'étonnamment elle ne l'est pas vraiment dans notre contrée. Du moins, n'ai-je pas encore vraiment eu l'occasion de voir des pêcheurs du coin l'utiliser. Parce qu'on ne peut se tromper, on la voit de loin celle-là avec sa touffe blanche hyper visible! Il faut dire qu'elle flotte assez bas malgré tout et qu'il est impératif de bien la graisser. Elle est vraiment d'une efficacité redoutable. C'est une grande découverte pour moi cette année et elle a trouvée une place de choix dans ma boite à mouche.

Une jolie fario
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a de l'eau malgré ces longues semaines de sécheresse et le niveau est monté depuis les fortes pluies de la nuit passée. C'est étonnant mais l'eau est restée claire. Peut-être que les montagnes environnantes distillent même de l'eau minérale... Je remonte la rivière en marchant dans son lit. Au début, je ne prends pas beaucoup de truites, que des petites. Il y a une éclosion d'Olives et cela me réconforte sur mon choix de mouche. Je progresse toujours amont et les prises se succèdent. Je passe sous un petit pont et me positionne sur un poste qui abrite normalement de belles truites. Je lance ma mouche plusieurs fois sur la rive d'en face mais les dérives ne sont pas bonnes car le niveau de la rivière est haut et le courant contre moi trop rapide et puissant pour passer de l'autre côté.

La Belle a pris la nymphe
J'insiste mais rien y fait. Pourtant, je sais qu'il y a du poisson ici. Je défait ma Parachute Adams et enlève le bas de ligne en 14/100. Je passe un bout de 16/100 à la place et accroche une nymphe en oreille de lièvre avec casque d'or. Je modifie mon mode de pêche et utilise la technique dite de la nymphe tchèque en moins de 5 minutes. Je passe une fois puis une seconde et ressens quelques secousses. Je ferre. Après un combat à l'issue hasardeuse, le poisson se rend. Il est de toute beauté et arbore déjà les couleurs annonciatrices du fraie qui aura lieu dans quelques semaines. J'insiste encore un peu et prend encore deux jolies truites plus belles les unes que les autres.

La Parachute Adams fonctionne à merveille
Le temps commence à devenir de plus en plus menaçant et l'atmosphère vraiment très sombre. Les première gouttes ne tardent pas à arriver et j'ai même droit à une pluie digne d'un déluge.

Il pleut des cordes
Mais cela n'influence pas vraiment ma concentration ni la qualité de la pêche car les truites restent toujours aux aguets et les prises ne diminuent pas. Enfin, la pluie cesse et j'arrive au terme de cette partie de pêche. De nouveau, le plaisir a été intense. Il y a tout ici pour assouvir la passion.
Couleurs camouflage
C'est assez étrange, mais je suis un peu mélancolique car il y a des chances pour que cette virée soit la dernière de la saison avec une canne à mouche dans ma main droite et une fameuse Parachute Adams au bout de la ligne. Je vais bientôt partir en Alaska à 10'000 Kilomètres d'ici pour traquer les saumons Silvers et autres Steelheads et je me dis que l'évasion finalement peut simplement être à 30 minutes de chez soi. Il est temps de rentrer et j'observe les montagnes enrobées de nuages lourds. J'empreinte le petit sentier et ai le loisir de regarder la rivière de loin. J'aime observer ce torrent rapide. Dedans, il y a des truites magnifiques.
Angelo