''Il vaut mieux se perdre dans la passion que de perdre sa passion''




dimanche 25 mai 2014

Roderick Haig-Brown: le printemps d'un pêcheur


Excellent livre que celui de Roderick Haig-Brown. Je vous le recommande vivement car il est entièrement dédié à l'art de la pêche à la mouche. Le printemps d'un pêcheur nous amène aux bords des rivières de la Colombie-Britannique là où certains d'entre-nous aurons prochainement la chance de traquer les saumons du pacifique et autres fameuses Steelheads. Dans son livre, Roderick Haig-Brown nous fait découvrir et nous offre avec talent toute l'expérience qu'il avait accumulé durant toutes ses années de pêche et d'observation de la nature. Ce livre traduit de l'américain est le premier volet d'une série de quatre livres à paraître aux éditions Gallmeister. En voici un extrait qui me parait bien résumer la philosophie de l'auteur. J'ai illustré cet article avec quelques photos que j'ai prises le week-end dernier à la Jogne en aval de Jaun.

Angelo


''On pêche pour l'attendu comme pour l'inattendu, et on apprend des deux. Si les poissons, les rivières ou les lacs étaient ne serait-ce qu'un tout petit peu prévisibles, une bonne partie du plaisir de ce sport n'existerait plus. Mais les poissons vivent là où ne vivent pas les hommes, selon des mœurs dont les hommes n'ont qu'une compréhension rudimentaire. Aller à la pêche est une façons agréable et désordonnée d'apprendre et de désapprendre constamment à leur sujet. Parfois, on a l'impression d'être presque sur le point de commencer à comprendre; l'instant d'après, quelque chose s'est produit qui fait reculer les limites de notre compréhension plus loin que jamais. Il y a vingt ans que je pêche la portion de deux miles de la Campbell située en aval des chutes, et j'ai maintenant plus de questions à me poser sur la rivière et ses poissons que je n'aurais pu rêver en découvrir il y a vingt ou même dix ans.


Pourtant, les choses que l'on finit par connaître sont infiniment précieuses et il devient infiniment important d'aller pêcher année après année, aux mêmes époques et aux mêmes endroits, pour vérifier ce que l'on sait, pour essayer de revivre les sensations, pour trouver des différences et des particularités.


Il est sans doute idiot de se préoccuper autant de la réaction d'un poisson à un tas de poil et de plume enroulés autour d'un hameçon. Pourtant c'est ce qui reste passionnant. L'arrêt, la traction, la ligne qui fend la surface, les rides sur l'eau lors du gobage, le bouillonnement puissant et sauvage, ce sont là des sensations tellement fortes que la main, le bras et l’œil les inscrivent de façon indélébile dans la mémoire, où elles demeurent, prêtes à resurgir à tout instant. La lumière sur l'eau, l'écume d'une vague, une lame de courant, des montagnes derrière soi, le cri d'un plongeon huard, un castor ou une loutre qui nagent; la force d'une bourrasque, le calme d'un jour d'été ou le silence du froid de l'hiver; la chaleur de l'amitié, une intelligence qui pense à l'unisson avec elle-même - toutes ces choses peuvent venir parfaire l'instant, l'enrichir, l'exalter. Mais le fin mot de l'histoire, la raison pour laquelle on ne se lasse jamais de retourner pêcher, la logique de cette obsession illogique, c'est tout simplement la façon imprévisible dont un poisson réagit à une mouche.''