''Il vaut mieux se perdre dans la passion que de perdre sa passion''




mercredi 11 novembre 2020

Les pieds dans l'eau à domicile


Simon au Moulin du Plain
C’est toujours un peu la même chose en fin de saison. Il faut se rendre à l’évidence, les semaines et les mois sont passés à nouveau trop vite. Eh oui, le temps ne s’arrête pas et les saisons du pêcheur à la mouche défilent les unes après les autres. Il y a comme une amertume qui se fait ressentir face à l’observation des arbres qui environnent les rivières. Leurs belles feuilles au vert neuf se sont parées maintenant de couleurs automnales et bientôt elles tomberont toutes au sol. Les éclosions sont devenues plus éparses et les éphémères, encore présentes certains jours en grand nombre, sont plus petites en fin de saison. Les belles soirées à n’en plus finir des mois de mai et de juin ne sont, déjà, plus qu’un lointain souvenir.

Un bel ombre du Doubs Franco-Suisse à Goumois
Je pense à tout cela et il y a une petite rivière qui me vient à l’esprit et qui coule non loin de chez moi. Elle est particulièrement saisissante durant le printemps. Pour y parvenir, on dirait qu’il faut franchir une jungle tellement la végétation est encombrée par endroit et aux abords de certains méandres. L’accès n’y est pas très difficile mais il faut avoir le courage de se glisser littéralement dans les sous-bois et franchir les branches, les hautes herbes, orties et impatientes de l’Himalaya en espérant de ne pas tomber sur un nid de tique.
Le Doubs à Goumois
Un jolie zébrée prise en sèche et aussitôt remise à l'eau
La rivière est basse en ce mois de septembre
A chaque fois que je m’y rends, j’ai l’impression de partir à l’aventure. Le jeu en vaut la chandelle car les truites perdent leur méfiance lorsque le soleil se couche et que l’obscurité de la nuit envahie l’atmosphère et que les premières mouches de mai et autres Ecdyonurus affaiblies par leurs ébats nuptiaux effleurent la surface de l’eau. Leur comportement lucifuge s’estompe et les dernières lueurs du soleil ne peuvent plus les inquiéter. Elles sortent de leur repère et elles gobent à la lueur de la lune qui se reflète sur la surface de l’eau. C’est à dix minutes de voiture de chez moi. S’il y a une chose que la pandémie m’a enseigné cette année, c’est qu’avant, je ne me rendais pas compte de la chance énorme d’avoir pu voyager dans cette quête insatiable des salmonidés comme je l’ai fait durant de nombreuses années.

La rivière dans son écrin de verdure
Magnifiques couleurs
Un imago de mouche de mai sur mon moulinet après avoir décroché une truite
Le ciel s'obscurcie et bientôt les truites sortiront de leur repères
La jungle. Gare aux tiques!!!
Une demoiselle
Là-bas, plus loin, il y a des truites!
Enfin si, je m’en rendais compte mais pas autant que maintenant. Cette avidité m’a amené au milieu de nulle part dans des endroits sans âme qui vive, là où la nature n’a que peu souffert de la présence humaine. Aujourd’hui, tout est bloqué et cela à l’air un peu con à dire comme ça mais quand je regarde l’état de certaines rivières avec les poissons qu’il n’y a plus dedans, je me dis qu’on aurait mieux fait d’en prendre plus soin car finalement, le bonheur de la pêche à la mouche peut simplement être à dix minutes de la maison et pas nécessairement à des milliers de kilomètres du domicile. Quand on dit bêtement que la proximité est une richesse et que c’est une pandémie qui vient froidement nous le rappeler… C’est fou quand même : quand on pense que la plupart des rivières que nous avons dans les parages sont tellement polluées et devenues stériles qu’elles ne permettraient même plus ne serait-ce qu’à une famille de se nourrir. Donc cette année, il a bien fallu accepter la situation et se résoudre à prospecter les cours d’eau des alentours et, à ma grande surprise, je ne fus pas toujours déçu bien au contraire.

Magnifique Torneresse
Pascal
Les spots se succèdent et n'en finissent pas
Une habitante des lieux sur un sédge CDC et poils de chevreuil
Le selfie au bord de l'eau!
La progression n'est pas aisée
Il fallait s’y attendre, mon voyage dans l’ouest américain fut annulé et cet été à la place d’aller pêcher la Yellowstone dans le Montana, je suis allé sur le Doubs dans le Jura. A la place de la Lamar et ses beaux méandres, je suis allé sur la Broye et j’ai troqué la Pebble Creek pour la Torneresse. Je me suis baladé à n’en plus pouvoir sur nos torrents là-haut sur la montagne et le plaisir, même s’il y avait des hauts et des bas comme il y en a toujours à la pêche, était au rendez-vous. Bien sûr, nos écosystèmes aquatiques sont en grande partie perturbés et on ne compte plus les kilomètres de linéaire qui ne valent plus le déplacement et c’est vraiment dommage.
Flou de bougé artistique
Un coin perdu
Avec de magnifiques poissons
Les pieds dans l'eau à domicile!
C’est bien connu, les rivières sont malades de l’homme mais il y a tout ici pour être à la hauteur des destinations lointaines et prisées. Alors que faire ? Eh bien prenons soins de notre belle nature et engageons-nous pour la protection de nos rivières ! C’est sûr, elles nous le rendront bien. C’est notre patrimoine, ne l’oublions pas ne serait-ce que pour les générations futures de pêcheurs et autres amoureux de la nature. Faisons-en sorte que la biodiversité ne soit pas uniquement un mot à la mode mais un mot chargé d’espoir et une réalité pérenne, ici, à domicile. Préservons, protégeons, engageons-nous dans les clubs et associations qui militent pour nos cours d’eau et s’il le faut renaturons ces écosystèmes afin que nous puissions à nouveau admirer la faune qui vie grâce à ces milieux uniques. Que la résignation et la persuasion que le gazon est plus vert ailleurs cessent et revendiquons la proximité. C’est tout simplement la plus grande richesse que nous avons.

Angelo Apperti