''Il vaut mieux se perdre dans la passion que de perdre sa passion''




jeudi 1 juin 2017

A l’orée de la pénombre

Avec l’arrivée des beaux jours et surtout des longues soirées de printemps-été, on a cette opportunité à n’absolument pas rater de fréquenter les rivières jusqu'à la tombée de la nuit. Je pense à ces après-midi au travail qui nous semblent interminables et qui nous poussent à nous évader sans attendre pour aller dans un coin de rivière à l’ombre et au frais sous les saules. Dans la volée, je vous mets quelques photos que j’ai prises durant mes dernières virées.

Magnifiques reflets en fin de journée à la Tuffière

Le soleil cogne fort sur l’eau et l’atmosphère encore surchauffée est écrasante. Assis dans un méandre tranquille, j’entends à peine le ruissellement de l’eau ainsi que le fracas lointain causé par une partie plus rapide en aval. Toutes sortes de mouches volent par milliers au-dessus de moi et dans la forêt riveraine. Dans l’air, il y a un mélange de parfums de fleurs, de foins fraîchement coupés qui sèchent dans les champs environnants et aussi une odeur de résine provenant des pins qui se mélangent aux feuillus. Il n’y a pas de gobages pour l’instant. Les truites lucifuges attendent que la lumière baisse et que la pénombre qui les entourera après le coucher du soleil les protège. Canne à la main, je me ballade au bords de l’eau et j’observe les bordures près de la rive peuplée de gammares, trichoptères et autres larves d’éphémères. Par-ci par-là il y a des alevins de truites issus du frais naturel. Ils sont la preuve matérielle que la nature sait se débrouiller toutes seule et que la main de l’homme est simplement inutile lorsque l’environnement aquatique est sain. Malgré le faible courant, ils nagent à toute allure et de temps en temps ils font des écarts pour attraper je ne sais quoi.

Un belle March Brown
Le temps passe et la chaleur étouffante de cette belle journée de printemps laisse petit-à-petit sa place à la fraîcheur moite de la rivière. La lumière baisse et les ombres se rallongent. Au-dessus de ma tête virevoltent des nuées de grandes éphémères qui ont un corps brun-roux. Des Red Spinner me dis-je. Leur ballet nuptial se résume à un vol stationnaire alterné de rapides montées et descentes. En observant bien, on distingue les femelles des mâles par leur sac d’œufs fixé à l’extrémité de leur corps. Je vois leurs ailes briller de mille éclats dans les rayons rougeoyant du soleil couchant, c’est juste magnifique. Je me dis que c’est le moment de changer de mouche et je remplace ma parachute Adams par une grande MP15 de Marc Petit-Jean que j’attache sur une pointe de deux mètres de 5X. Quand j’y pense, j’ai tellement pêché de truites avec ce modèle… C’est la mouche qui symbolise pour moi parfaitement les coups du soir estivaux.

Partie de pêche avec mon frère Frédéric
Il est bientôt vingt heures et les éphémères se rapprochent de plus en plus de la surface de la rivière. La lumière diminue encore et les gobages font leurs premières apparitions. La pénombre commence à m’entourer. Je ressens ce début de basculement irréversible vers la nuit et même les chants des oiseaux d’une clarté étonnante se font plus tranquille. L’atmosphère s’est rafraîchit et le froid de la rivière reprends le dessus. En arrivant sur un nouveau poste, je vois des ronds crever régulièrement la surface de l’eau vers la berge opposée. Les éphémères sont à ma hauteur et m’entourent comme si j’étais un élément du paysage. Sans hésitation je déploie ma soie dans l’air et pose deux fois trop court à proximité des ronds. J’ajuste la longueur et pose à nouveau. Ma mouche est gobée au premier passage. Je ferre et ressens les premières secousses dans mon bras…

Une belle Fario sauvage de 54 centimètres
La nuit fait maintenant son apparition mais l'obscurité n’est pas totale et il reste encore quelques minutes de lumière. Elles sont justes suffisantes pour reprendre le chemin du retour qui passe dans la forêt. Les oiseaux se sont tus et laissent leur place au chauves-souris. Celles-ci se régalent silencieusement des éphémères encore nombreuses avant qu’elles ne tombent toutes d’épuisement sur l’eau et se fassent gober ensuite par des truites noctambules...

Angelo