Avec
l’arrivée des beaux jours et surtout des longues soirées de printemps-été, on a
cette opportunité à n’absolument pas rater de fréquenter les rivières jusqu'à la tombée de la nuit. Je pense à ces après-midi au travail qui nous semblent
interminables et qui nous poussent à nous évader sans attendre pour aller dans
un coin de rivière à l’ombre et au frais sous les saules. Dans la volée, je vous
mets quelques photos que j’ai prises durant mes dernières virées.
Magnifiques reflets en fin de journée à la Tuffière |
Le soleil
cogne fort sur l’eau et l’atmosphère encore surchauffée est écrasante. Assis
dans un méandre tranquille, j’entends à peine le ruissellement de l’eau ainsi
que le fracas lointain causé par une partie plus rapide en aval. Toutes sortes
de mouches volent par milliers au-dessus de moi et dans la forêt riveraine.
Dans l’air, il y a un mélange de parfums de fleurs, de foins fraîchement coupés qui sèchent dans les champs environnants et aussi une odeur de résine provenant
des pins qui se mélangent aux feuillus. Il n’y a pas
de gobages pour l’instant. Les truites lucifuges attendent que la lumière
baisse et que la pénombre qui les entourera après le coucher du soleil les
protège. Canne à la main, je me ballade au bords de l’eau et j’observe les
bordures près de la rive peuplée de gammares, trichoptères et autres larves
d’éphémères. Par-ci par-là il y a des alevins de truites issus du frais
naturel. Ils sont la preuve matérielle que la nature sait se débrouiller toutes
seule et que la main de l’homme est simplement inutile lorsque l’environnement
aquatique est sain. Malgré le faible courant, ils nagent à toute allure et de
temps en temps ils font des écarts pour attraper je ne sais quoi.
Un belle March Brown |
Le temps
passe et la chaleur étouffante de cette belle journée de printemps laisse
petit-à-petit sa place à la fraîcheur moite de la rivière. La lumière baisse et
les ombres se rallongent. Au-dessus de ma tête virevoltent des nuées de grandes
éphémères qui ont un corps brun-roux. Des Red Spinner me dis-je. Leur ballet
nuptial se résume à un vol stationnaire alterné de rapides montées et
descentes. En observant bien, on distingue les femelles des mâles par leur sac
d’œufs fixé à l’extrémité de leur corps. Je vois leurs ailes briller de mille
éclats dans les rayons rougeoyant du soleil couchant, c’est juste magnifique. Je
me dis que c’est le moment de changer de mouche et je remplace ma parachute
Adams par une grande MP15 de Marc Petit-Jean que j’attache sur une pointe de
deux mètres de 5X. Quand j’y pense, j’ai tellement pêché de truites avec ce
modèle… C’est la mouche qui symbolise pour moi parfaitement les coups du soir estivaux.
Partie de pêche avec mon frère Frédéric |
Il est
bientôt vingt heures et les éphémères se rapprochent de plus en plus de la
surface de la rivière. La lumière diminue encore et les gobages font leurs
premières apparitions. La pénombre commence à m’entourer. Je ressens ce début
de basculement irréversible vers la nuit et même les chants des oiseaux d’une
clarté étonnante se font plus tranquille. L’atmosphère s’est rafraîchit et le
froid de la rivière reprends le dessus. En arrivant sur un nouveau poste, je
vois des ronds crever régulièrement la surface de l’eau vers la berge opposée. Les
éphémères sont à ma hauteur et m’entourent comme si j’étais un élément du
paysage. Sans hésitation je déploie ma soie dans l’air et pose deux fois trop
court à proximité des ronds. J’ajuste la longueur et pose à nouveau. Ma mouche
est gobée au premier passage. Je ferre et ressens les premières secousses dans
mon bras…
Une belle Fario sauvage de 54 centimètres |
La nuit fait
maintenant son apparition mais l'obscurité n’est pas totale et il reste encore
quelques minutes de lumière. Elles sont justes suffisantes pour reprendre le
chemin du retour qui passe dans la forêt. Les oiseaux se sont tus et laissent
leur place au chauves-souris. Celles-ci se régalent silencieusement des éphémères
encore nombreuses avant qu’elles ne tombent toutes d’épuisement sur l’eau et
se fassent gober ensuite par des truites noctambules...
Angelo
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