Je vous
livre aujourd'hui une récit de pêche que j'avais écris il y a quelques
années déjà dans mon petit recueil de mémoires halieutiques. C'était durant le mois
d'avril lors d'une partie de pêche à la Petite-Sarine.
Cette rivière je la
fréquente régulièrement depuis le années 1980. Depuis, le débit résiduel en
aval du barrage de Rossens a été augmenté et les nases (Chondrostoma Nasus),
poissons emblématiques de la Sarine, ont malheureusement disparus. Il faut dire
que grâce à cette augmentation de débit, la population de truites à beaucoup
augmentée mais qu'en contrepartie, les nases présents en grande quantité mais qui
étaient déjà en forte régression depuis des années, ont totalement disparus car
l'eau qui alimente la rivière est prise au pied du barrage et celle-ci reste
très froide durant le printemps et cela rend impossible le développement
embryonnaire des alevins.
J'ai eu la
chance d'habiter à deux pas de cette rivière et à l'époque, il me suffisait de
mettre mes cuissardes, passer le gilet et prendre ma canne à mouche pour
ensuite me rendre à pieds au bord de l'eau en cinq minutes et tenter ma chance
une heure ou deux avant le coucher de soleil. C'est là-bas que j'ai fait mes
débuts de moucheur avec une Fenwick en fibre de verre et un moulinet anglais
sans frein et à cliquets qui hurlait à chaque fois que je sortais de la soie
pour allonger mes lancers. C'est au bord de cette rivière que ma passion de la pêche
à la mouche s'est développée et c'est aussi là-bas que j'ai pris conscience que
cet endroit remarquable classé site naturel d'importance national par la
Confédération est un écosystème extrêmement riche abritant une multitude
d'espèces animales
faciles à observer mais qu'il convient de protéger activement.
Aujourd'hui plus
que jamais les défis sont majeurs pour sauvegarder cette zone alluviale car le
manque de crues et l'absence de charriage à cause du barrage sont des atteintes
profondes dans la morphologie de ce site et il n'est pas sûr que les conditions
actuelles favorables aux truites soient pérennes sur le long terme même si de nos jours, elles sont toutes issues du frai naturel uniquement et que la taille de capture légale est
de 24 à 32 centimètres.
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La Petite-Sarine en mai à Ilens |
Voici le récit d'une partie de pêche inoubliable:
J'ai eu
l'excellente idée ce soir de quitter le travail vers 16h30 pour me rendre à la
Petite-Sarine. J'ai parqué la voiture après la Tuffière dans la forêt, à un endroit
dont je ne connais pas le nom. Toujours est-il que le chemin qui mène au bord
de l'eau arrive pile poil dans une clairière située en face du petit chemin
contre la molasse en amont du Bois du Sac et de la Sapinière. Là, quelques
chevaines sont en activités mais ne m'intéressent guère car je suis venu
attraper une truite nom de Zeus! Je tente tout de même ma chance mais je
bafouille. C'est la catastrophe, ces poissons gobent dans le film de l'eau mais
à des endroits si encombrés que j'accroche ma mouche dans un arbre au premier
faux lancer... J'abandonne bien vite et décide de monter en direction de la
Tuffière. Durant la progression, j'observe avec mes polarisantes chaque endroit
susceptible d'abriter une truite. Première constatation, il n'y a pas de mouche
et deuxième constatation, il n'y a pas de truite non plus!
Il est 18h30
et le soleil est encore haut dans le ciel. Il est probable que lorsqu'il sera
plus bas et que la pénombre pointera le bout de son nez, les truites seront
plus enclines à aller se nourrir près des berges là où les larves de phryganes
et les gammares sont présents en grandes quantités. Dans le grand plat en
dessous du trous aux Italiens, je vois tout de même une belle truite nympher
mais l'endroit est très encombré et la truite trop éloignée pour effectuer un
lancer arbalète. Arrivé au
Graboz, je décide de pique-niquer. Camembert et pain au menu. Tresse russe
pour le dessert! Une fois le souper fini, je regarde ma montre et je constate
qu'il est déjà 19h30.
Il est grand
temps de retourner à la voiture. Espérons qu'à la descente, il y aura quelque
chose d'intéressant à portée de canne... En arrivant au Pré d'en Bas, je
m'arrête sur le haut de la berge pour regarder s'il n'y a pas un poisson actif sur le grand plat. Yes!
Il y en a un! Et un beau en plus! Je descends au bord de l'eau, refait un long
bas de ligne en 14/100 et attache une imitation de phrygane. Le poisson est
maintenant à porté de lancer. Je fais deux ou trois faux lancers et accroche
lamentablement mon bas de ligne à la canne. C'est le gros merdier... Je défais
cette perruque en essayant de me calmer en me disant que tout ira bien si je ne
perd pas mon sang froid. Après d'interminables minutes qui me semblèrent être
une éternité, je suis à nouveau, on va dire, opérationnel. Malheureusement, le
poisson a eu le temps de changer de poste et maintenant, il n'y a rien de plus qu'une
vaste étendue de galets devant moi. J'observe autour de moi et aperçois de petits gobages
discrets qui doivent être l'œuvre de petits ombrets. Je regarde plus
attentivement avec mes polarisantes. Le fond de la rivière est parfaitement défini
et j'aperçois à nouveau la belle truite monter gentiment à la surface pour cueillir
une mouche invisible. Elle doit sûrement monter sur de toutes petites éphémère
me dis-je. En deux temps trois mouvements, je remplace mon bas de ligne en
14/100 par un 12/100 à la place et y attache une petite merde de Marc Petit-Jean.
J'ajuste mon lancer et pose le plus délicatement possible car le poisson est à
porté de canne. Je repasse quelque fois mais rien y fait. Le poisson monte
toujours régulièrement mais pas sur mon imitation.
Il se passe un long moment
de réflexion et d'observation. Le poisson doit se nourrir dans le film de l'eau
uniquement. Soudain, je vois passer près du bord une exuvie d'éphémère. Je
comprend maintenant et décide de changer de leurre. Je trouve dans ma boîte la
parfaite imitation et l'attache au bas de ligne. Deux, trois faux lancers et je
pose. Maintenant c'est le grand jeu! Je me concentre sur mon leurre. Soudain, un
fuseau brun monte du fond de la rivière vers la surface et prend ma mouche.
D'un mouvement ample, je lève mon bras droit et ferre. Premières secousses au
poignet. Le poisson est gros et me prend du fil. C'est beau, j'ai enfin ma
première truite de l'année à la Petite-Sarine! Petite bataille avec le poisson
et quelques rush plus tard, je le conduis près du bord et le prend dans ma main
pour le décrocher. Cette truite est magnifique. C'est un mâle et à l'évidence,
il doit sans aucun doute mesurer quarante-cinq à cinquante centimètres. Les
couleurs de sa robe sont superbes. Quelques points rouge sont parsemés au
milieu d'une constellation de points noir. Il est grand temps de le relâcher. Je
le glisse doucement dans l'eau et il s'en va à toute vitesse vers le fond de la
rivière. Entre-temps, l'obscurité s'est mise en place et c'est le moment de
quitter cet endroit magnifique. Devant moi, une chauve souris virevolte au ras de l'eau et
attrape sûrement quelques insectes. Il n'y a pratiquement pas de bruit et
j'entends juste l'écoulement de l'eau contre les berges. Au loin, une chouette
hulotte fend l'atmosphère de son chant: hou-hou-houhou!
Angelo