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On arrive! Le lac Karluk est à gauche. |
Alaska,
rivière Karluk, lundi 18 septembre 2017:
''Je suis en
train d'écrire sur mon lit de camp. Il est 22h10 et il fait nuit. Aujourd'hui
fût une bonne journée de pêche et j'ai pris de beaux saumons Silver avec mes
streamers. Dix pièces de belles tailles. J'ai également pris une dizaine d'Arctic
chars. Ce matin, nous avons vu une ours avec ses trois petits. Cela fait
environ dix ours observés depuis hier, jour de notre arrivée sur cette
magnifique rivière qu'est la Karluk. La nature sauvage de ce site est
incroyable. C'est dans les tripes et difficile à expliquer mais c'est une
chance de pouvoir revenir à nouveau ici et ceci pour la cinquième fois. Tout est
confus dans ma tête et j'aimerais savoir où mon avenir me mènera mais je ne
sais pas. Je suis ici et j'entend le vent qui fait bouger la tente. J'ai l'impression
d'être au bout du monde et finalement ce n'est pas qu'une impression car j'y
suis pour de bon...''
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Notre premier camp à Oxbow (au marais). |
Voici un
extrait de mon carnet d'aventure sur ce nouveau séjour sur la rivière Karluk en
Alaska. La première fois que je me suis rendu sur cette rivière c'était en 2009.
Auparavant j'ai eu l'opportunité de me rendre sur des rivières du sud-ouest de
l'Alaska tels que la Stuyahok,la Koktuli, la Mulchatna, la Talachulitna ainsi
qu'au nord au dessus du cercle polaire arctique sur la Wulik. La Karluk est unique
et différente car c'est une rivière côtière courte d'une longueur d'environ 35
kilomètres. On y accède difficilement. Il y a la voie maritime
par Larsen Bay puis par une piste pour aller et rester à Portage qui se trouve
à mi-parcours de la rivière. Le mieux c'est l'hydravion depuis Kodiak city pour
se poser soit à Portage ou au lac Karluk afin de descendre intégralement en
raft la rivière jusqu'à son arrivée au lagon au bords de l'océan pacifique. C'est
cette dernière option qui offre la meilleure expérience.
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Mon premier Silver du séjour! |
En tête de
bassin il y a plusieurs petites rivières et ruisseaux qui alimentent le lac
Karluk. On dit que ce plan d'eau est un lac à saumons Sockeye car ils s'y
reproduisent dans les secteurs peu profonds. Le cours d'eau principal n'est ni plus ni moins
que l'exutoire et montre deux visages bien distincts. De l'exutoire et jusqu'à
Portage, l'eau s'écoule calmement en méandrant dans une grande plaine que
l'on nomme familièrement le marais. Les bécasseaux et autres canards y
pullulent. C'est un secteur important car le fond est constitué de petits
graviers et c'est une véritable pépinière car les saumons Pinks, Kings, Sockeyes
et Silvers s'y reproduisent. Il suffit de se promener le long des berges sur
les chemins faits par les ours pour observer aux lunettes polarisantes les milliers
de frayères creusées dans le lit et se rendre compte de l'ampleur du
phénomène. Il y en a partout! Au mois de septembre, les saumons Silvers et
aussi les ombles anadromes nommés Artic chars s'y tiennent bien et les pêcheurs
auront intérêt à prospecter chaque pool long et profond. Cette année, notre
groupe est constitué de quatre pêcheurs, d'un guide et de son aide de camp. Nous partons du lac et décidons de monter le premier camp dans ce
secteur à un endroit nommé Oxbow. Nous y passons quatre nuits d'affilées. Là-bas, la pêche fut très bonne avec de gros Silvers frais de mer certains faisant pas moins
de 7 à 8 kilos pour les plus gros avec un mélange de spécimens ayant déjà une à
deux semaines de rivière. Les Artic chars furent aussi au rendez-vous avec des
pièces faisant 2 à 3 kilos. Ce site de campement est certainement celui que je
préfère car la plaine est ouverte et donne une impression absolument impressionnante
de grand espace vierge. Nous
observons à plusieurs reprises des passages d'oies dans leur migration vers le
sud. C'est un signe qu'au nord l'emprise du froid a déjà débuté et qu'il est
grand temps pour elles de se rendre dans des contrées à la météo plus favorable.
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Un beau Silver sur un streamer efficace. |
Un matin,
nous nous levons sous un ciel totalement exempt de nuage et, chose incroyable, il
n'y a pas une brise de vent. La rivière coule calmement devant le camp et dans
le silence ambiant, on entend juste le chant des oiseaux. De temps en temps un
claquement sur l'eau fend l'atmosphère. On ne sait pourquoi, les nombreux
saumons Silver qui résident dans le pool en face du camp marsouinent et sautent
hors de l'eau. La journée passe et nous pêchons de nombreux poissons. A la nuit
tombée, j'observe aux jumelles avec émotion les étoiles innombrables et la
magnifique voie lactée. Je rejoins ma tente et vais me coucher à la lampe
frontale la tête dans les étoiles...
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Lever du jour à Oxbow |
En aval de
Portage, la rivière change de visage. Elle s'élargie et entre dans un canyon où
la pente est plus accentuée. Le fond est constitué de galets plus gros et
les poissons ne s'arrêtent pas ici. Ils font juste une pause, reprennent
leur force et repartent pour aller rejoindre les pools profonds situés au marais.
C'est une succession de grands radiers qui se divisent et qui sont parsemés de
blocs de grosses pierres. Il faut chercher les poissons et les zones calmes
avec des cuvettes suffisamment profondes abritent en général toujours quelque
chose. Il ne faut pas hésiter à bien prospecter voir même à insister. Nous
quittons Oxbow sous un ciel chargé et commençons à toucher dans ce nouveau secteur nos
premières Steelheads et aussi truites arc-en-ciel résidentes.
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Arctic Char (Salvelinus malma). C'est le fish of the rainbow! ;-) |
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Une femelle Grizzly (Ursus arctos midendorffi) avec ses trois petits. |
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Le rose est une bonne couleur pour le Silver. |
Nous prenons aussi
de temps en temps des Sockeyes bien frais. Nous montons plusieurs camps mais le
meilleur site se trouve en aval d'un endroit où la rivière se divise en deux et qui
avait été nommé par Bernard Thompson, l'ancien propriétaire d'Alaskaevasion, l'étranglement car situé au début du
canyon. Nous passons plusieurs nuits sur ce nouveau site et Daniel suggère de le renommer
Batman car il y a un rocher en face sur la colline qui a le même profile que le
célèbre super héro! Il y a beaucoup de cerfs Sitka dans les collines environnantes
et Jérôme en compagnie de Thibault, partent un matin à la chasse et nous rapportent
un beau mâle avec dix pointes. Nous mangeons le lendemain soir les filets avec des
chanterelles d'automnes séchées ainsi que le foie cuit avec des oignons frais.
Un vrai régal! Le groupe est constitué de Toni, Daniel et Alain et nous passons
des journées magnifiques et paisibles au bords de la Karluk en compagnie de
Jérôme notre guide et son cuistot Thibault. Malgré son jeune âge, Thibault nous
prépare des plats excellents. Un soir, nous décidons de l'ennoblir et lui
donnons à l'unanimité le surnom de Thibault de la Karluk! Il faut dire que mis
à part ses talents de cuisinier, il est aussi un excellent pêcheur et son sens
de l'eau lui permet de prendre beaucoup de poissons.
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Paysage typique de fin de saison |
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Un beau spécimen de Silver de la Karluk! |
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A l'étranglement nouvellement baptisé Batman! Le rocher en haut à gauche! |
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Un autre beau Silver (Onchorynchus kisutch) |
Les jours passent
et la pêche est variable. Cette année, les Steelheads sont plus rares et les prises
de Silvers en deuxième partie du séjour moins fréquentes entre deux remontées.
Nous prenons toujours du poisson mais de manière plus sporadique. De plus, la
météo s'en mêle. Il pleut abondamment certains jours mais heureusement les
journées ensoleillées, certes minoritaires sur la durée du séjour, compensent
largement ce problème parce que le paysage est à couper le souffle lorsqu'il
fait beau. Dans les collines, les arbustes arborent des couleurs tantôt
jaunâtres, orangées ou gris-verts et les hautes herbes sont d'un doré éclatant. C'est
superbe et de temps en temps la présence d'un ours grizzly qui passe aux
alentours nous rappel que la nature ici n'a pas encore été formatée par la
présence de l'homme et que l'écosystème est encore tel qu'il a été il y a des milliers
d'années. Dans les zones profondes et tranquilles de la rivière, gisent une
multitude de saumons morts. Tous les saumons du pacifique périssent après avoir
frayé et leur corps nourrissent maintenant quasiment tout la chaîne alimentaire. Il est particulièrement touchant d'observer depuis les bordures
les centaines de saumoneaux qui se délectent de toutes ces carcasses. Rien ne
se perd. Tout se recycle et la mort nourrie la vie. Tout cela m'inspire le
respect et je souhaite vivement que ce cycle de la vie puisse se perpétuer ainsi pour
des siècles encore.
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Une Steelhead (Onchorynchus mykiss) |
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Thibault et Jérôme Muffat le guide (à droite avec le fusil). Départ au petit matin pour la chasse au cerf Sitka. |
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Derniers moments sur la Karluk au lagon. Le premier hydravion vient nous chercher malgré la mauvaise météo. |
Ainsi
s'achève ce nouveau périple en Alaska, la dernière frontière. ''The Last Frontier''
comme aime le dire les Alaskiens. Je leur donne raison. Ce nouveau séjour en
Alaska a été pour moi une parenthèse essentielle et bienfaisante passée au
bords de l'eau dans un environnement intact et véritablement sauvage. Faire un
float trip sur l'île de Kodiak nécessite une dose de courage car il y a les ours et la vie de camp durant une dizaine de jours demande aussi de
sortir un peu de sa zone de confort. Mais le jeu en vaut la chandelle. A la
fin, il reste ce sentiment de liberté et dans le regard, au fond des yeux, les
images de la rivière qui brille sous le soleil dans la belle vallée de la
Karluk.
Mes remerciements
vont à Kristen et Jérôme Muffat d'Alaskaevasion (http://www.alaskaevasion.com/) pour avoir rendu ce nouveau
séjour de pêche possible.
Angelo
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